Exposition "Isamu Noguchi, Sculpter le monde" pour les 40 ans du LaM

Affecté par les drames de son époque et le racisme qu’il subit tant au Japon qu’aux États-Unis, Isamu Noguchi conçoit la création comme une quête identitaire et un acte social permettant de tisser des liens entre les individus. En 1941, suite à l’attaque de Pearl Harbor, l’artiste se fait volontairement interner à Poston, l’un des plus importants camps de détention de Nippo-Américains, en Arizona. Là-bas, il envisage d’améliorer les conditions de détention des prisonniers en proposant des projets de parc et de zone de loisirs. Mais c’est en réalité dès les années 1930, grâce au volet du New Deal soutenant les artistes, que Noguchi commence à s’intéresser à l’espace public et au paysage. Il conçoit alors des édifices et monuments qui modèlent l’urbanisme. Ces espaces anticipent son travail sur l’environnement et l’art des jardins, tel son Jardin de la Paix, conçu pour le nouveau siège de l’UNESCO à Paris et inauguré en 1958.
Outre l’espace public, Noguchi s’intéresse au design et aux objets utilitaires. Il est notamment l’inventeur des célèbres lampes Akari, icône mondiale du design. Produites à partir de 1952, ces lampes en papier washi sur structure de bambou sont le fruit de la rencontre entre l’art traditionnel japonais et les formes les plus contemporaines. Afin d’élargir sa pratique, Isamu Noguchi imagine également de nombreux objets pour le quotidien, comme les premiers babyphones, des tables aux formes organiques ou encore des prototypes de voitures aux lignes futuristes.
Souhaitant « dépasser l’art des objets », Noguchi se passionne pour le rapport entre la sculpture, l’espace et le corps, ce dont témoignent ses nombreuses collaborations avec le monde du théâtre et de la danse. C’est en 1926 que débutent ses échanges féconds avec Michio Ito, l’un des pionniers de la « modern dance » pour lequel il invente des masques de théâtre. Il poursuit ce travail avec la chorégraphe américaine Ruth Page en 1932. Mais ses liens les plus intenses avec le monde de la danse se cristallisent à travers sa participation aux décors et costumes de plus d’une vingtaine de spectacles de Martha Graham, qui devient sa grande amie et avec qui il travaillera pendant près de trois décennies. « Je n’ai jamais souscrit à l’idée que les sculptures ne sont que des sculptures et n’ont rien à voir avec un outil. Martha les utilisait comme outils symboliques ou gestuels. Elles étaient une extension de son corps » confiait l’artiste, qui a également collaboré avec George Balanchine, Yuriko Kikuchi, Erick Hawkins ou Merce Cunningham. C’est avec ce même corps que Noguchi joue quand des photographes de renom – Irving Penn, Lee Miller ou encore Arnold Newman – le font poser dans l’intimité de son atelier, espace où il devient alors sculpture parmi les sculptures. Véritable trait d’union entre l’Est et l’Ouest, dépassant les frontières et les catégories artistiques, Noguchi incarne une vision ouverte et décloisonnée de l’art qui, aujourd’hui encore, influence la création contemporaine.

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